Le régime fiscal des joueurs de poker français semble être une énigme pour la plupart d'entre eux. Depuis la promulgation de la loi du 12 mai 2010, cette activité en ligne a suscité un engouement important de la part de la communauté des joueurs de poker. Cette situation a entraîné tout un tas d'interrogations. Les multiples interpellations dont nous avons fait l'objet commandent de mettre un terme au suspens.
Après avoir entendu et lu différentes théories sur le régime fiscal des joueurs de poker, voici les règles de droit à connaître afin de mieux appréhender la position du législateur et la mise en œuvre qui en est faite par l'administration fiscale.
I Texte fiscaux de référence
Art. 126 CGI Annexe IV : "Sont considérés, en principe, comme jeux de hasard tous les jeux d'argent qu'il s'agisse de jeux de cartes ou d'autres jeux".
Art. 92 du CGI : "Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus"
II Observations
Pour l'administration fiscale, il n'existe aucune différence selon que la qualification retenue pour un jeu d'argent soit de hasard ou d'adresse. Le Fisc est extrêmement pragmatique puisqu'il observe la répétition et l'enchaînement des gains pour un joueur. Si un joueur de poker obtient des gains récurrents, les services des impôts considèrent qu'il ne s'agit pas d'un jeu de hasard pour l'individu en question (Par exemple, il est mathématiquement impossible de gagner des sommes importantes chaque mois à loterie nationale). De plus, il apparaît logique et évident pour l'administration fiscale que les gains au jeu soient assujettis à l'impôt sur le revenu (IR) du joueur, dès l'instant où ces gains constituent une part importante de ses revenus. La répétition de gains doit être déclarée qu'ils soient issus d'un jeu de hasard, d'un jeu d'adresse, de pari sportif ou hippique, ou bien sûr enfin que le revenu soit issu du travail.
Cette appréciation est fondamentale. Par conséquent, sont imposables au titre des BNC les gains
réalisés par les joueurs professionnels dans des conditions permettant
de supprimer ou d'atténuer fortement l'aléa normalement inhérent aux
jeux de hasard.
Rép. min. no 110952: JOAN Q 15 nov. 2011, p. 12011: "Les gains réalisés à l'occasion de jeux, même pratiqués de manière habituelle, ne constituent pas, au sens de l'article 92 du code général des impôts, une occupation lucrative ou une source de profits devant donner lieu à imposition. Toutefois, selon la doctrine publiée de l'administration fiscale (référencée 5 G-116 n° 8 61 et 119), sont imposables au titre de la catégorie des bénéfices non commerciaux, les gains réalisés par les joueurs professionnels dans des conditions permettant de supprimer ou d'atténuer fortement l'aléa normalement inhérent aux jeux de hasard. Cette position est pleinement applicable à la pratique habituelle du jeu de poker, y compris en ligne, dès lors que le jeu de poker ne peut être regardé comme un jeu de pur hasard et sous réserve qu'il soit exercé dans des conditions assimilables à une activité professionnelle. L'imposition des gains ainsi réalisés par des joueurs de poker est d'ailleurs confirmée par la jurisprudence (tribunal administratif de Clermont-Ferrand, le 21 octobre 2010, n° 09-640, Petit). La position de l'administration fiscale apparaît par conséquence très claire".
De la même façon, les gains issus du jeu de bridge sont imposables dans la catégorie des
BNC lorsque l'activité est exercée à titre professionnel et exonérés
lorsqu'elle est exercée en amateur (CE 12 juill. 1969, req. no 75976:
Bull. Dupont 1969, p. 350; DB 5 G-116, no 119).
Les gains issus de la
pratique habituelle du jeu de poker en ligne sur internet sont
imposables dans la catégorie des BNC dès lors qu'un tel jeu ne peut être
regardé comme un jeu de pur hasard eu égard à l'importance de la
stratégie et de l'habileté requises pour sa pratique et que cette
activité est exercée dans des conditions assimilables à une activité
professionnelle. (TA Clermont-Ferrand, 21 oct. 2010, n° 09-640: RJF
2011. 70; concl. Chacot au BDCF 6/11, no 70. Dans le même sens: * Rép.
min. no 110952: préc.).
Dès lors, aucun doute ne plane sur les gains issus de la pratique du poker en ligne (Durand, Dr. fisc. 2012.143). "En
effet, aux termes de la jurisprudence, les gains au jeu revêtent le
caractère d'un bénéfice non commercial soit lorsque le contribuable
participe au jeu au titre de son activité professionnelle (CE, 7e et 8e
ss-sect, 4 déc. 1985, req. n° 43583 : Dr. fisc. 1986, n° 15, comm. 775,
concl. Mme. M.-A. Latournerie. – CE, 7e et 9e ss-sect., 22 mai 1992,
req. n° 69903 et 69904, Andréani : Dr. fisc. 1994, n° 39, comm. 1613,
concl. Mme M.-D. Hagelsteen), soit lorsque l'aléa normalement inhérent
aux jeux de hasard a été supprimé ou du moins fortement atténué" (cf . Thierry Schmitt, JurisClasseur Fiscal Impôts directs, Fasc. 501-10 : BÉNÉFICES NON COMMERCIAUX, 25 mars 2013).
III Les risques de confusion
Beaucoup d'interprétation fusent sur l'internet concernant les décisions des cours pénales qui considèrent parfois que le poker Texas hold'em est un jeu de hasard. Mais attention, les décisions rendues par le juge judiciaire ont pour objet de protéger l'ordre public, ce qui n'est pas le cas des jugements ou arrêts de l'ordre administratif lorsque la discussion porte sur l'imposition d'un joueur.
La distinction est subtile et il est naturel que les joueurs et les journalistes mélangent les situations puisque même les praticiens (avocats) ont du mal à mesurer la portée de ces décisions en y voyant une certaine interaction.