Droit des Jeux d'argent et de hasard: La cour administrative d'appel de Versailles impose aux joueurs de poker de déclarer leurs revenus

16.3.13

La cour administrative d'appel de Versailles impose aux joueurs de poker de déclarer leurs revenus

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Les revenus des joueurs de poker professionnels issus du jeu sont soumis à l'impôt sur le revenu. Cette jurisprudence vient lever le doute sur la situation de certains contribuables et sur les règles fiscales applicables aux gains des jeux de hasard que beaucoup de professionnel du droit avaient mal interprété.



Cour Administrative d’Appel de Versailles

N° 11VE02364
Inédit au recueil Lebon
7ème Chambre

M. COUZINET, président
Mme Laurence BESSON-LEDEY, rapporteur
Mme GARREC, rapporteur public
MARTIN, avocat(s)


lecture du jeudi 22 novembre 2012

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Versailles le 29 juin 2011, présentée pour M. A... C..., demeurant..., par Me B... ; M. C... demande à la Cour : 

1°) d’annuler le jugement n° 0713110 du 29 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2002, 2003 et 2004 et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2004, ainsi que des pénalités y afférentes ; 

2°) de prononcer ladite décharge ; 

 3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 8 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; 

Il soutient que, sur la régularité de la procédure, en refusant de lui communiquer les renseignements qu’elle a obtenus dans le cadre de son droit de communication auprès de l’autorité judiciaire, et alors qu’il n’avait pas accès à son dossier pénal, l’administration a méconnu l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales et le principe du contradictoire ; que, sur le bien-fondé des impositions, il n’a jamais exercé ni déclaré exercer une activité régulière de joueur de poker taxable en bénéfices non commerciaux au titre de l’article 92 du code général des impôts ; qu’il n’a pas la qualité de joueur professionnel, même si les gains de jeux ont constitué ses seules ressources au cours des années vérifiées ; que n’étant qu’un joueur amateur de jeux de hasard, ses gains ne pouvaient pas être imposés, ainsi que le précisent la doctrine administrative 5G-116 nos 118 et 119 du 15 septembre 2000 et la réponse ministérielle du 3 octobre 1979 faite à M.D..., député ; que, sur les pénalités, il n’avait aucune obligation de déclarer son activité ; 
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Vu les autres pièces du dossier ; 
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; 
Vu le code de justice administrative ; 

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ; Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 8 novembre 2012 : 

- le rapport de Mme Besson-Ledey, premier conseiller, 
- et les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public ; 

Considérant qu’à l’issue d’un examen contradictoire de situation fiscale personnelle et d’une vérification de comptabilité d’une activité de joueur de poker professionnel identifiée par l’administration, M. C... a été assujetti à des cotisations d’impôt sur le revenu au titre des années 2002, 2003 et 2004 et à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2004 ; qu’il relève appel du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 29 avril 2011 qui a rejeté sa demande de décharge de ces impositions ; 

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre : 

Sur la régularité de la procédure d’imposition : 

Considérant qu’ayant été informée par le juge d’instruction du Tribunal de grande instance de Bobigny d’une procédure judiciaire ouverte à l’encontre de M. C..., et portant sur des faits susceptibles de révéler une fraude fiscale, l’administration, faisant usage du droit de communication qu’elle tient des dispositions de l’article L. 101 du livre des procédures fiscales, a demandé, le 22 mars 2005, à consulter l’ensemble du dossier judiciaire de l’intéressé ; que, le 28 juillet 2005, M.C..., qui faisait alors l’objet d’un contrôle depuis le 13 juin, a demandé au vérificateur communication des documents recueillis dans le cadre de cette consultation ; qu’il résulte de l’instruction et notamment des observations que M. C...a présentées en réponse à la proposition de rectification du 4 juillet 2005, ainsi que de sa réclamation préalable du 19 février 2007, que le vérificateur lui a communiqué l’ensemble des copies qu’il avait effectuées des documents consultés ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l’administration n’aurait pas satisfait à la demande de communication de documents de M. C...et aurait, ainsi, entaché la procédure d’irrégularité, manque en fait ; 

Sur le bien-fondé des impositions en litige : 

En ce qui concerne l’application de la loi fiscale : 

Considérant qu’aux termes de l’article 92 du code général des impôts : “ 1. Sont considérés comme provenant de l’exercice d’une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n’ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus “ ; 

Considérant que la pratique, même habituelle, de jeux de hasard ne constitue pas, au sens de l’article 92 du code général des impôts, une occupation lucrative ou une source de profits, à moins que les effets du risque inhérent aux jeux de hasard soient notablement atténués et que ceux-ci soient pratiqués dans des conditions assimilables à l’exercice d’une activité professionnelle ; 

Considérant, ainsi que le fait d’ailleurs valoir l’administration en défense, que le jeu de poker ne saurait être regardé comme un jeu de pur hasard dans lequel seul l’aléa permettrait de remporter des gains, dès lors que l’habileté et la stratégie dans la pratique de ce jeu sont nécessaires pour accroître de façon importante la probabilité de percevoir des gains et d’augmenter leur montant ; qu’il résulte, par ailleurs, de l’instruction que M. C...a déclaré le 17 décembre 2003 au juge chargé de l’instruction de son affaire pénale, et le 13 juin 2005 à l’administration fiscale, qu’après avoir cessé l’exercice de son activité au sein de la société Sfrenet, il avait perçu des gains, d’un montant mensuel de l’ordre de 3 500 euros, provenant de la pratique habituelle du jeu de poker dans les casinos et les cercles de jeu Opéra, Haussman et République à compter de juin 2002, de janvier à septembre 2003, puis pendant sept mois en 2004 ; que si M. C...conteste le montant des gains qu’il a effectivement perçus, il n’apporte aucun élément de nature à remettre en cause ses propres déclarations ; que, dans ces conditions, M. C...doit être regardé comme ayant exercé une activité lucrative de joueur de poker professionnel lui procurant des profits réguliers imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux de l’article 92 du code général des impôts ; 

 En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative : 

Considérant que M. C...n’est fondé à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ni de la doctrine administrative 5 G-116 nos 118 et 119 du 15 septembre 2000, ni de la réponse ministérielle du 3 octobre 1979 faite à M.D..., député, qui ne traitent pas du jeu de poker

Sur les pénalités : 

Considérant qu’aux termes de l’article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : “ Lorsqu’une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s’abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter cet acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l’acte déposé tardivement est assorti de l’intérêt de retard visé à l’article 1727 et d’une majoration de 10 p. 100. (...) 3. La majoration visée au 1 est portée à : (...) 80 p. 100 en cas de découverte d’une activité occulte “ ; 

Considérant que M. C...n’ayant pas porté son activité de joueur de poker professionnel à la connaissance de l’administration, c’est à bon droit que le montant des droits mis à sa charge a été assorti de la majoration de 80 % prévue en cas d’exercice d’une activité occulte ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. C...n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que les conclusions qu’il a présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ; 

D E C I D E : 

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
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 N° 11VE02364 2 

Abstrats : 19-04-02-05-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices non commerciaux. Personnes, profits, activités imposables. 


Matthieu Escande
Posté par :
Matthieu ESCANDE
Docteur en Droit / Ph.D in Law
Elève avocat / Trainee solicitor
Spécialiste des jeux d'argent et de hasard