La Cour de cassation rejette d'un revers de la main le pourvoi de José Dominici avec le très simple argument qui confirmait nos craintes, consistant à dire que le grief a seulement pour but de remettre en cause le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond.
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L'arrêt de la cour d'appel de Paris dans l'affaire Dominici (CA Paris, 15 janvier 2010)
CIV. 2
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 juin 2011
Rejet
M. LORIFERNE, président
Arrêt no 1190 FS-D
Pourvoi no W 10-14.825
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par M. José Dominici, domicilié [...] contre l'arrêt rendu le 15 janvier 2010 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l'opposant à la Société d'encouragement à l'élevage du cheval français, dont le siège est 7 rue d'Astorg, 75008 Paris, défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 18 mai 2011, où étaient présents : M. Loriferne, président, M. Bizot, conseiller rapporteur, M. Mazars, conseiller doyen, Mme Aldigé, MM. Breillat, Kriegk, Grellier, Liénard, conseillers, M. Chaumont, Mme Fontaine, M. Adida-Canac, Mme Touati, conseillers référendaires, Mme de Beaupuis, avocat général, Mme Genevey, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Bizot, conseiller, les observations de la SCP Bénabent, avocat de M. Dominici, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la Société d'encouragement à l'élevage du cheval français, l’avis de Mme de Beaupuis, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, tel que reproduit en annexe :
Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué (Paris,15 janvier 2010), que M. Dominici, ayant engagé deux paris, l’un pour un quarté, l’autre pour un quinté proposés par le Pari mutuel urbain (PMU) sur la course de trot attelé dénommée Prix de Bernay sur l’hippodrome de Paris-Vincennes, et considérant que l’ordre de l’arrivée de cette course perturbée par de nombreuses irrégularités, en plaçant deuxième le cheval “L’Ami d’un soir” alors que cet animal avait effectué plus de quinze foulées au galop qui auraient dû valoir sa disqualification pour allure irrégulière, l’avait privé d’un gain au “quarté+” dans le désordre et des “bonus” du “quarté” et du “quinté”, a assigné en responsabilité et réparation de son préjudice l’association Société d’encouragement à l’élevage du cheval français (l’association) ;
Attendu que M. Dominici fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes ;
Mais attendu, d’abord, sur la première branche, que M. Dominici, dans ses conclusions, a soutenu que la faute commise par l’association constituait à tout le moins une faute grossière équipollente au dol ;
Attendu, ensuite, sur la deuxième branche, que, sous le couvert du grief non fondé de violation des articles 1382 et 1383 du code civil, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion devant la Cour de cassation l’appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve par la cour d’appel qui, relevant que l’erreur d’appréciation imputable aux commissaires aux courses chargés de désigner les chevaux disqualifiés ou aux juges aux allures placés sous leur autorité et leur responsabilité, et dont le parieur accepte la survenance selon le règlement du pari mutuel urbain, s’expliquait par une circonstance de nature à laisser place à une telle erreur, à savoir la simultanéité des fautes d’allure qui avaient été commises par sept chevaux au sein d’un peloton de dix-huit partants, a pu en déduire que cette
erreur d’appréciation n’était pas grossière et ne pouvait être imputée à faute à la charge de l’association organisatrice ;
Et attendu, enfin, sur la troisième branche, que la cour d’appel, ayant examiné en détail les circonstances dans lesquelles s’est déroulée la course sans être saisie d’aucune critique précise sur les manquements imputables à l’association elle-même dans l’organisation et le déroulement de celle-ci, a répondu aux conclusions sans les dénaturer ;
D’où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche en ce qu’il formule une critique contraire à celle soutenue par le demandeur devant la cour d’appel, et qui manque en fait en sa troisième branche, n’est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Dominici aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Société d’encouragement à l’élevage du cheval français ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre
civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin
deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils pour M. Dominici
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur DOMINICI de l’intégralité de ses demandes tendant à voir engager la responsabilité de la SEECF ;
AUX MOTIFS PROPRES QU’« Il n’est pas discuté que la course dont s’agit était soumise au code des courses du trot et avait été organisée par l’association LA SOCIETE D’ENCOURAGEMENT A L’ELEVAGE DU CHEVAL FRANÇAIS ; Que, par application de l’article 72 de ce code, les chevaux doivent accomplir leur parcours au trot régulier et tout cheval qui prendra toute allure doit être immédiatement remis au trot régulier (I) et qu’est disqualifié, même si son classement à l’arrivée ne lui donne aucune allocation, tout cheval qui effectue, quel que soit le nombre des fautes, 15 foulées dans l’une de ces allures avec une rigueur accrue et progressive en fin de parcours (II b) tandis que toute décision entraînant la disqualification d’un cheval en raison des dispositions du présent article, doit être prise soit immédiatement pendant le parcours, soit avant le signal indiquant la fin du pesage qui suit la course ; elle est sans appel ; Que, par application de l’article 88 du même code, les courses sont placées sous le contrôle des commissaires aux courses qui sont nommés par les comités respectifs des sociétés organisatrices (I) qui peuvent s’adjoindre pour l’application des dispositions de l’article 72 des juges aux allures qui ne peuvent exercer leurs fonctions que sous l’autorité et la responsabilité des commissaires de courses (II) ; Que, par application de l’article 89, les commissaires aux courses doivent veiller aux règles de la course et notamment aux dispositions des article 67 à 78 inclus et aux formalités à l’arrivée (79) tandis que l’article 92, au titre de leur pouvoir disciplinaire, leur donne pouvoir de disqualifier un cheval ; Que, par application du règlement PMU, l’engagement d’un pari mutuel implique l’adhésion du parieur sans limitation ni réserve à ce règlement, (article 3) ; Que, à partir de l’affichage du signal rouge, le résultat de la course est définitif en ce qui concerne l’exécution des paris même si par la suite certains chevaux venaient à être déclassés sous la seule réserve de la constatation le jour même et à la suite d’une erreur d’une différence entre le résultat affiché et le résultat réel – ou, le cas échéant l’ordre d’arrivée résultant du jugement rendu par les commissaires avant l’affichage du signal rouge – faisant suite à une réclamation ou une intervention d’office (article 16) ; Que pour rechercher la responsabilité de l’association LA SOCIETE D’ENCOURAGEMENT A L’ELEVAGE DU CHEVAL FRANÇAIS, José DOMINICI n’invoque pas un manquement de cette dernière à une obligation générale de diligence lui imposant de prendre toutes dispositions pour assurer le respect des règles applicables afin de veiller à leur régularité, mais excipe, en évoquant le mode de recrutement actuellement controversé et ne donnant pas toutes garanties d’impartialité des commissaires de courses et juges aux allures, d’une erreur d’appréciation insusceptible de se rattacher aux aléas de la course et comme telle fautive, la faute commise, en l’espèce, consistant en une absence de sanctionner une faute tellement évidente qu’elle serait à tout le moins
équipollente au dol ; Qu’est vaine l’argumentation tirée du mode de recrutement des commissaires de course et juges aux allures, l’association LA SOCIETE D’ENCOURAGEMENT A L’ELEVAGE DU CHEVAL FRANÇAIS n’ayant fait que se conformer aux dispositions réglementaires applicables ;
Qu’il n’appartient pas au juge judiciaire d’apprécier, aucun acte précis des commissaires de course et juges aux allures révélant leur partialité ou malveillance n’ayant été articulé ce qui ne saurait résulter de l’allégation d’une erreur d’appréciation des commissaires de course tellement évidente ; Que – n’étant nullement contredit que la décision de classement des chevaux lors de l’arrivée participe d’une décision arbitrale – qu’il résulte des textes régissant cette course et notamment du code de la course au trot, que cette décision est prise souverainement par les commissaires de course et ne peut faire l’objet d’aucun recours en sorte que le juge judiciaire ne peut remettre en cause cette dernière, que sur la démonstration d’une malveillance ou d’une erreur tellement grossière qu’elle révélerait la volonté de s’affranchir de textes applicables et en l’espèce, de ceux relatifs à la détermination du classement et aux mesures réglementaires de disqualification pour fautes d’allure ; Qu’il résulte des articles de presse cités que le cheval en cause monté par Jean-Michel BAZIRE a commis une incartade au moment où un autre cheval se désunissait, que ce cavalier s’attendant à être disqualifié s’est alors écarté au galop pendant une vingtaine de foulées avant de revenir dans le peloton, pour être classé deuxième, (PARIS TURF, article de Jean-François PRE), que dans une interview, Jacques CHARTIER, directeur de l’association LA SOCIETE
D’ENCOURAGEMENT A L’ELEVAGE DU CHEVAL FRANÇAIS et responsable des commissaires et juges aux allures a admis cette analyse selon laquelle le cheval L’AMI D’UN SOIR aurait dû être disqualifié, qu’il a confirmé, dans sa réponse du 26 01 2005 à José DOMINICI cette version en expliquant que plusieurs incidents de course aux mêmes moments avaient détourné l’attention des juges, que l’entraîneur de Jean-Michel BAZIRE a lui même confirmé cette faute d’allure ; Que, comme pertinemment retenu par le tribunal, les films produits confirment les six disqualifications prononcées et « qu’en définitive les juges aux allures qui relever plusieurs fautes concomitantes ou successives, notamment de LORD DE L’ARON n’ont pas signalé celle que commettait L’AMI
D’UN SOIR dans un temps proche, que les commissaires de courses n’ont ainsi pas disqualifié L’AMI D’UN SOIR, lequel a accédé à la seconde place à l’arrivée » ; Qu’il s’ensuit que l’erreur grossière n’a pas été caractérisée ;
Qu’aucun élément n’est de nature à établir une quelconque malveillance des commissaires de courses ou des juges aux allures ; Que le jugement est donc confirmé en ce qu’il a débouté José DOMINICI de ses demandes» ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU’ « une société chargée de l’organisation de course servant de support à des paris mutuels est soumise à une obligation générale de diligence consistant à prendre toutes dispositions pour assurer le respect des règles qui leur sont applicables afin de veiller à leur régularité ;
Qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que la Société d’Encouragement à l’élevage du Cheval Français, lors du prix de BERNAY organisé sur l’hippodrome de Vincennes le 20 janvier 2005, disposait de commissaires de courses et de juges aux allures pour surveiller le déroulement de l’épreuve litigieuse ; qu’elle avait légalement comme il est d’usage, une voiture suiveuse ainsi que des caméras implantées au niveau de la tour mobile et du poteau d’arrivée ; que ce dispositif, dont la régularité n’est pas contestée, a ainsi conduit à six disqualifications, dont celle du cheval LORD DE L’ARON, intervenue à quelques secondes près en même temps que l’allure litigieuse de
L’AMI D’UN SOIR ; Que la Société d’Encouragement à l’élevage du Cheval Français a ainsi satisfait à son obligation de moyen ; Que les erreurs d’appréciation des commissaires des courses et juges aux allures sont, par principe, inhérentes aux modalités de déroulement des courses et connues du parieurs qui en accepte le risque ; Que les décisions rendues par ces organes de surveillance et de contrôle, de nature arbitrale et souveraine, ne peuvent dégénérer en faute que dans l’hypothèse d’une décision prise de mauvaise foi, dans l’intention de nuire ou d’une erreur équipollente au dol ; Qu’il résulte des films de la course de trot attelé du 20 janvier 2005 qu’au cours de l’épreuve, les commissaires des courses ont prononcé six disqualifications, laissant douze chevaux en course sur les dix-huit du départ ; Que de nombreux professionnels de la matière s’accordent pour considérer que le cheval portant le dossard 13 monté par Jean-Michel BAZIRE a commis une faute d’allure lors de cette course ; Que cela résulte notamment des différents articles de presse
spécialisée, du film de la course, des courriers et de l’interview donnée par le
directeur technique de la Société d’Encouragement à l’élevage du Cheval Français comme des propos tenus par Jean-Michel BAUDOUIN à l’issue de la course ; Que ces mêmes professionnels ont, pour la plupart, relevé que L’AMI D’UN SOIR avait effectué des foulées au galop en nombre suffisant pour permettre l’application de l’article 72 du code des courses et entraîner une disqualification immédiate ; Qu’en définitive, les juges aux allures qui venaient de relever plusieurs fautes concomitantes ou successives, notamment celle de LORD DE L’ARON, n’ont pas signalé celle que commettait L’AMI D’UN SOIR dans un temps très proche ; Que les commissaires des courses n’ont ainsi pas disqualifié L’AMI D’UN SOIR, lequel a accédé à la seconde place à l’arrivée ;
Qu’il n’est cependant pas démontré par Monsieur José DOMINICI que cette erreur des commissaires des courses et juges aux allures a été commise de mauvaise foi, dans l’intention de nuire ou qu’elle procède d’une erreur équipollente au dol ; Que la nature de l’erreur rapporté ne saurait donc entraîner la responsabilité de la Société d’Encouragement à l’élevage du Cheval Français sur le fondement de l’article 1382 du Code civil ; Que l’intégralité des demandes doit être rejetée » ;
ALORS, D’UNE PART, QUE toute faute engage la responsabilité de son auteur indépendamment de sa gravité et de l’intention de nuire de celui qui l’a commise ; Qu’en se fondant sur les faits que « l’erreur grossière n’a pas été caractérisée » et « qu’aucun élément n’est de nature à établir une quelconque malveillance des commissaires des courses ou des juges aux allures », ni que cette erreur ait été « commise de mauvaise foi dans l’intention de nuire », pour débouter Monsieur DOMINICI de ses demandes, cependant que la faute commise par les commissaires de course, en s’abstenant d’appliquer les règles qu’ils étaient chargés de mettre en oeuvre, et en conséquence de disqualifier un cheval reconnu coupable d’une faute d’allure flagrante, et en le maintenant à l’arrivée sans même avoir pris le soin d’ouvrir une enquête, engageait la responsabilité de la SEECF indépendamment de sa gravité et d’une quelconque mauvaise foi ou volonté de nuire de son auteur, la Cour d’appel a
violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;
ALORS, D’AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE le fait pour les commissaires de course de s’abstenir de disqualifier un cheval reconnu coupable d’une faute d’allure flagrante et de le maintenir à l’arrivée sans même avoir pris le soin d’ouvrir une enquête constitue une « erreur grossière» ; Qu’en statuant comme elle l’a fait, en se fondant sur une prétendue absence de caractérisation d’une « erreur grossière » des commissaires de course pour écarter la responsabilité de la SEECF, la Cour d’appel a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE dans ses conclusions d’appel Monsieur DOMINICI insistait sur le fait que les commissaires de course n’avaient même pas pris le soin d’ordonner l’ouverture d’une enquête avant de valider l’ordre d’arrivée de la course intégrant L’AMI D’UN SOIR à la deuxième place, et il reprochait donc non seulement à la SEECF de ne pas avoir disqualifié le cheval fautif, mais également de ne pas avoir mis en oeuvre tous les moyens nécessaires pour assurer le respect des règles applicables ; Qu’en ayant relevé, pour débouter Monsieur Dominici de ses demandes, que « pour rechercher la responsabilité de l’association LA SOCIETE D’ENCOURAGEMENT A L’ELEVAGE DU CHEVAL FRANÇAIS, José DOMINICI n’invoque pas un manquement de cette dernière à une obligation générale de diligence lui imposant de prendre toutes dispositions pour assurer le respect des règles applicables afin de veiller à leur régularité », la Cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d’appel de Monsieur DOMINICI en violation de l’article 4 du Code de procédure civile.