Le 6 mars 2009 une personne, se déclare, auprès du casino de Palavas-les-flots, bénéficiaire pour le super jackpot de 2.174.667,15 euros. Un record. Cette cagnotte est un cumul réalisé sur plusieurs machines à sous par le groupe Partouche regroupant 42 casinos sur le territoire français.
Selon les faits relatés dans Midi Libre le 7 mars. La présumée gagnante se prénomme Marie-Hélène. Elle confit la somme de 50 euros à Francis, un ami qui est considéré par cette dernière comme son "porte chance".
La somme d'argent appartenait à Marie-Hélène alors que son ami Francis a joué. En d'autres termes, c'est lui qui a accompli l'acte de jeu. Le 7 mars 2009, ce joueur revendique le gain du Super jackpot délivré à Marie-Hélène par l'établissement de jeu. Francis considère que c'est lui le gagnant et non Marie-Hélène. (En date du 20 octobre 2009 l’avocat de Francis énonce devant les caméras qu’il y a deux gagnants – Voir la vidéo)
A cet égard, beaucoup de questions se posent quant à l'issue d'un tel litige mais aussi sur les fondements juridiques qui peuvent-être invoqués.
1) Qui est le gagnant Francis ou Marie-Hélène ? Est-ce le joueur ou la personne qui mise ?
2) Y a-t-il un don ou un prêt de Marie-Hélène d’une somme d’argent afin que Francis puisse jouer ?
3) Y a-t-il association de jeu et un éventuel partage des gains possible?
4) Peut-on engager la responsabilité du casino, en tant que professionnel, pour manquement à ses obligations dans le contrat de jeu entre l’établissement et Francis ?
Pour répondre aux Quid juris énoncés ci-dessus, plusieurs hypothèses sont envisageables. Toutefois, nous nous devons de préciser que les perspectives amenées dans cet article n'a que pour objectif de proposer des éventualités théoriques argumentées de manière juridique. En effet, nous méconnaissons la requête ainsi les conclusions déposées par les avocats de chaque partie. Nous nous basons ici sur les éléments relatés dans les médias (presse papier, presse numérique, et vidéo, le Midi libre et le Parisien et la Dépêche du Midi sont nos sources).
En conséquence, nous nous arrêterons sur un schéma potentiel. (Nous pourrons ainsi par la suite au regard de la décision rendue par le tribunal proposer une analyse recentrée et étudier les choix opérés par les avocats).
I Le choix de la personne assignée en justice, les pistes plausibles
En premier lieu, nous devons savoir à l'encontre de qui Francis, le joueur, envisage une action en justice.
Peut-il engager une action envers le casino pour manquement à ses obligations à son égard. En effet, nous pouvons considérer que l'établissement de jeu doit observer certaines procédures avant la remise d'un gain aussi important (des textes sont prévus à cet effet). La méconnaissance dans la procédure de remise des gains par le casino peut conduire Francis à obtenir une somme d'argent qui devrait être la réparation d'un préjudice subi en invoquant la responsabilité contractuelle du casino. Aussi, depuis le 20 octobre 2009 et en observant la vidéo nous en concluons que le casino n’a pour l’instant pas était assigné en justice, ce qui semble étrange à première vue. En revanche il est toujours possible d’effectuer cela dans un deuxième temps.
Ensuite, Francis peut également avoir l'intention d'agir à l'encontre de Marie-Hélène. Si l'on qualifie la remise de 50 euros de prêt (toujours selon les média), Marie-Hélène ne peut pas réclamer la restitution de son prêt ou des bénéfices dégagés car il s’agit d’un prêt ayant pour cause ou pour objet le jeu (V. art. 1131 du c. civ.). Cette pratique étant immoral car elle représente une incitation au jeu, la créancière de l’obligation ne peut ni répéter les sommes prêter par application de l’article 1967 du code civil ni demander l’exécution du remboursement du prêt avec la division des gains par la suite en vertu de l’article 1965 du code civil. Le problème du prêt est la preuve. Le contrat doit-il être écrit ou oral ? L’oral suffit mais peut-être difficilement prouver et les gains générer pourrait détruire l’argumentation juridique de Francis qui évoquerait le contrat de prêt et la somme supérieure à 2 millions d’euros.
Dans cette hypothèse et pour les mêmes raisons invoquées au-dessus, s’il remet volontairement ses gains issus du jeu à Marie-Hélène, Francis serait dans l’incapacité d’en demander la restitution. Mais la somme d’argent a été remise par le casino et donc ceci constitue un élément supplémentaire qui vient renforcer le choix d’une assignation de l’établissement de jeu selon nous.
Nous pouvons également nous demander si la somme de 50 euros a été prêtée ou bien donnée à Francis par Marie-Hélène. Dans le dernier cas il n'y aurait aucun doute sur le titulaire de droit sur le gain (Francis). La encore la responsabilité du casino pourrait être engagée.
II Un fondement juridique alternatif : le choix apparent du requérant
D'autres hypothèses sont envisageables, mais encore une fois la meilleure direction à suivre est l'action envers le casino selon nous. L'action de Francis à l'égard de la présumée gagnante suppose l'accomplissement de beaucoup trop de conditions pour contourner les articles 1965 et 1967 du code civil. En outre, ces dispositions (art. 196 et 19675 C. civ.) sont inopérantes pour les casinos qui bénéficient d'un statut dérogatoire en matière de jeux d'argent et de hasard. Le casino est par ailleurs et à l’évidence un professionnel avec une responsabilité accrue à l’égard des joueurs.
Le choix de la personne à l'encontre de qui Francis intente l'action est déterminante. Par ailleurs, l'application de l'article 1965 du code civil peut se révéler inapproprié si l'éclaircissement des faits permet de qualifier autrement la somme de 50 euros remise par la Gagnante à Francis. La qualification du gain de Marie-Hélène sera tout aussi importante si l'on admet qu'il ne s'agit d'une dette dont le créancier est Francis.
Alors, peut-on concevoir l'intervention de Francis et la remise de Marie-Hélène de la mise à Francis comme une association en vue de se procurer un gain ? L'intérêt commun des deux protagonistes pourrait nous laisser croire à un partage des gains ? ( Voyez, Civ 1e, 4 mai 1976). Mais dans quelle proportion ? Est-ce que le dépôt intégral de la mise par un des intervenants équivaut à l'action de réussite au jeu de l'autre intervenant ? La décision rendue portait sur des joueurs pariant sur des courses hippiques. Il en résultait que : « L'achat en commun d'un ticket de tiercé au pari mutuel urbain, lequel est autorisé et réglementé par la loi, constitue une opération qui échappe aux dispositions de l'article 1965 du code civil. Dès lors, c'est à bon droit qu'une Cour d'appel rejette l'exception de jeu opposée par celui des parieurs qui a touché la totalité du rapport procuré par un ticket de tiercé acheté en commun, à la demande en payement de sa part de gain formée par l'autre ». Cette situation chasse l’application de l’article 1965 du code civil et permettrait comme en 1976 à Francis d’obtenir la moitié des gains.
Sauf qu’en l’espèce en 1976 il y avait eu un investissement commun pour générer une mise globale, or dans l’affaire qui nous intéresse ici, il y a une mise déposée par un protagoniste et l’action de jeu réalisé par l’autre protagoniste. Il est facile de divisé les gains en deux dès lors les mises sont réciproques mais il est bien plus difficile de quantifier la valeur de l’accomplissement de Francis qui est l’acte de jeu alors que la mise émane à en totalité de Marie-Hélène.
Il semblerait au regard de la vidéo que c’est cette dernière hypothèse est celle choisie par l’avocat du requérant.
Nous devrons alors scruter le jugement rendu en 1ère instance par la deuxième chambre civile du tribunal de grande instance de Montpellier. Il est incontestable que les sommes qui sont au cœur du litige et le vide juridique qui subsiste laisse entrevoir un appel potentiel et pourquoi pas un pourvoi devant la Cour de cassation.
Nous avons ici des perspectives, des éventualités qui se clarifieront à la suite de la décision, mais il ne fait nul doute que cette situation juridique apportera une pierre à l’édifice du droit des jeux.